Homélie du père Benoît - Dimanche 12 mars 2023
Ste Croix, st Michel, 12 mars 2023
« Chef, un p’tit verre on a soif. Une petite bière, on a soif. On a soif ! » Ce chant de buveurs du chanteur belge Le Grand Jojo résonne encore dans ma mémoire. Avoir soif est un besoin vital. Hier à l’hôpital, une infirmière demanda au patient que je visitais d’exprimer son ressenti de douleur sur une échelle de 1 à 10. On pourrait envisager de faire pareil avec le ressenti de la soif. Mais la soif des buveurs ou des sportifs n’est rien du tout comparée à la vraie soif de la première lecture et de l’évangile de ce dimanche.
Le peuple d’Israël, lors de son passage de 40 ans dans le désert, n’avait plus d’eau du tout. La soif était devenue une souffrance si insupportable que leur vie et leur survie en tant que peuple était en danger. Pourquoi avoir quitté les eaux du Nil en Egypte pour mourir dans le désert ? Leur chemin de carême les pousse au désespoir et ils commencent à douter de Dieu et se demandent : « Le Seigneur est-il au milieu de nous, oui ou non ? » Une question de grande actualité aux moments de crise aujourd’hui aussi. Le Christ est-il au milieu de son église en crise, oui ou non ? Dieu est-il toujours au milieu de notre monde actuel, oui ou non ? Ce monde qui, avec les mots du Pape François, va droit vers la catastrophe ?
Mais Moïse frappe sur un rocher, la matière la plus sèche qui existe, et des torrents d’eau en sortent pour abreuver tout le peuple.
Dans l’évangile, Jésus a soif. Soif à cause du voyage, des longues heures de marche et à cause de la chaleur de la mi-journée. Il dit à la Samaritaine : « J’ai soif. Donne-moi à boire. »
Dans quelques semaines, le Vendredi Saint, nous entendrons les mêmes paroles de la bouche de Jésus : « J’ai soif ! » mais alors ce sera du haut de la croix, avec son corps totalement déshydraté, sa langue et son palais secs comme du cuir. La soif extrême de l’eau exprime la soif d’amour de Dieu. Dieu a soif de l’amour de son peuple. Dieu a soif de ton amour. Jésus dit à la Samaritaine : « Donne-moi toi-même à boire ! » Jésus dit à chacun de nous d’étancher sa soif par amour pour lui. En même temps, Il nous invite à nous désaltérer à la source d’eau vive qu’Il est lui-même.
Au même Vendredi Saint, le centurion romain frappera la poitrine de Jésus crucifié avec sa lance, comme Moïse avait frappé le rocher de Mériba. Et du cœur de Jésus sortirent de l’eau et du sang. La promesse à la Samaritaine s’est réalisée dans le don du Saint Esprit, l’eau jaillissant pour la vie éternelle, l’eau qui ne donne plus jamais soif. L’eau qui est un pur don de Dieu, et pas le résultat de grands efforts humains d’aller puiser très profondément et de se charger d’une lourde cruche sur la tête ou les épaules.
La rencontre de Jésus au puits de Jacob à Sykar est un merveilleux exemple missionnaire. Jésus se fait présent, cherche le dialogue et ne se laisse pas enfermer par le politiquement correct, par des codes de comportement conditionné : Il parle avec une femme qui en plus est issue d’un peuple méprisé, considéré comme infidèle par les Juifs. Une femme plutôt de libre vie avec un palmarès pas tout à fait rose : elle a eu 5 maris et l’homme qu’elle fréquente pour le moment n’est pas son mari. Elle doit être méprisée dans son propre village et c’est pour cela qu’elle s’approche de la source au pire moment de la journée, pour être seule, pour ne pas être pointée du doigt par les autres femmes.
Cette vie peu exemplaire n’est pas un obstacle pour Jésus, mais plutôt une motivation pour se révéler à elle comme le Messie. Pour lui donner le don de la foi, de l’espérance et de la charité par l’eau vive, l’Esprit Saint. Comme st Paul dira dans la deuxième lecture : « L’espérance ne déçoit pas, puisque l’amour de Dieu a été répandu dans nos cœurs par l’Esprit Saint qui nous a été donné ! »
La Samaritaine fait l’expérience qu’elle est aimée, qu’elle est aimée par un homme d’une façon qui n’a rien à voir avec ce qu’elle a connu avec ces 5 hommes et avec son compagnon du moment. Elle expérimente un amour pur comme l’eau du puits, un amour qui donne la vie comme l’eau jaillissante, un amour qui cherche son bonheur en cet instant et pour la vie éternelle, un amour qui lui donne la vie éternelle.
Dans notre société actuelle, de plus en plus de nos frères et sœurs découvrent cette soif existentielle de Dieu à l’intérieur de leur cœur, ressenti comme vide de bonheur, ou rempli de tristesse et d’angoisse. Allons à leur rencontre à l’exemple de Jésus. Soyons des disciples missionnaires. Soyons plus efficaces que les sociétés publicitaires pour les boissons fraîches en pleine canicule : « Drink Coca Cola ! Buvez Coca Cola. » Les pubs de sodas et de bières suscitent une soif qui n’était pas présent, créent et augmentent un besoin. Dieu, au contraire, vient à la rencontre d’une vraie soif existentielle, assez souvent cachée et en donnant son Esprit Saint Il abreuve cette soif pour toujours en donnant la liberté et pas l’addiction.
Apprenons à élever les conversations banales de chaque jour à un niveau plus existentiel. Prenons du temps, donnons notre temps à notre prochain. Comme Jésus qui est resté 2 jours en pays étranger pour consolider la foi des Samaritains de Sykar.
Pour qu’aujourd’hui aussi de nombreux nouveaux témoins puissent proclamer : « Nous l’avons entendu, et nous savons que c’est vraiment lui le Sauveur du monde ! »
Amen.