Homélie du père Benoît - Dimanche 19 février 2023
Sacré Cœur, Bordeaux, 19 février 2023
« Soyez saints, car moi, le Seigneur votre Dieu, je suis saint. » appel à la sainteté par Dieu à travers Moïse au peuple d’Israël dans la première lecture.
« Vous êtes un sanctuaire de Dieu car l’Esprit de Dieu habite en vous. Le sanctuaire de Dieu est saint et ce sanctuaire c’est vous. » appel à la sainteté par l’apôtre Paul aux Chrétiens de Corinthe dans la deuxième lecture.
« Vous donc, vous serez parfaits comme votre Père céleste est parfait. » appel à la sainteté par Jésus à chacun de nous dans l’Evangile.
Mais c’est quoi être saint ? Encore tant de confusion ou d’ignorance vis-à-vis de la sainteté personnelle. En tant que prêtre, on entend tout le temps des fidèles s’excuser : « Mais père, moi je ne suis pas saint. Moi je ne suis pas une sainte. » Et on veut dire : je ne suis pas parfait, je suis pécheur, j’ai ma liste de péchés et pas seulement mignons … Mais quel saint a été parfait, sans défauts ? Quelle sainte a été sans péchés à l’exception de la sainte Vierge et Jésus ? Les saints sont des pauvres mortels qui se sont laissé envahir par l’amour de Dieu et qui n’ont jamais été découragés par leurs défauts ou leurs péchés. Poussés par l’amour de Dieu, les saints vont au-delà de la loi, au-delà des habitudes ou normes culturelles, au-delà de ce qui paraît suffisant.
J’ai entendu dire une paroissienne : « Père quand on aime … on ne mesure pas. Quand on aime on ne pose pas de limites. Quand on aime on s’oublie soi-même. Quand on aime on ne compte pas son argent. » Oui, quand on aime … quand on aime une personne, quand on aime Dieu.
Voilà, c’est ça, la sainteté !
« Tendre la joue gauche ; laisser aussi le manteau après la tunique et rester nu » : Jésus ne nous demande pas d’être des imbéciles, des faibles perdants, des indifférents à l’injustice. Non, pas du tout. La femme battue et l’enfant abusé doivent porter plainte pour que les cercles vicieux des crimes s’arrêtent. Mais au contraire, les exemples de Jésus invitent à une attitude de force, de saine confiance en soi et de liberté suprême qui dérivent d’une force inouïe d’amour. Par amour on est capable d’aller au-delà de la justice équitable, œil pour œil, dent pour dent. Par la force de l’amour, on est capable de supporter le mal mais pour un bien supérieur, pour vaincre le mal par le bien.
Par la force de l’amour on est capable de l’incapable : aimer ses ennemis et prier pour eux. Et Jésus nous a donné l’exemple. Ayant des clous dans ses pieds et dans ses mains et des épines dans son crâne Il a prié : « Père pardonne leurs car ils ne savent pas ce qu’ils font. »
Et encore aujourd’hui, au milieu de tant de meurtres et de tueries, nous sommes témoins de personnes qui savent pardonner aux meurtriers de leur enfant, épouse ou parents.
On peut se fixer sur le degré de difficulté de ce que Jésus nous demande, et essayer de relativiser, mais n’oublions pas de nous émerveiller d’une religion qui est arrivée à ce sommet d’amour divin et l’impact que cet enseignement et exemple de Jésus a eu dans l’histoire et dans l’actualité. Sans la prédication de l’amour pour les ennemis, le monde serait encore bien pire.
Quand notre ennemi nous fait du mal c’est comme s’il utilisait toujours une arme double, un fusil ou un pistolet à deux canons ou doubles flèches vénéneuses sur son arc : la première flèche qui nous blesse est l’injustice commise : une violence, trahison, mensonge, cambriolage ou meurtre. Cette première flèche peut être réparée par les punitions de la justice, des amendes ou des années en prison. Mais la deuxième flèche vénéneuse que nous recevons en même temps en plein cœur est la naissance du désir de vengeance, de la haine. Ces sentiments mauvais nous font souffrir parfois plus que l’injustice subie. Le désir de vengeance, la haine chasse la paix de notre cœur, enlève toute forme de joie et nous rend aigre. Nous pouvons être libérés du poison de cette deuxième flèche de notre ennemi par le pardon.
Tant d’exemples de personnes qui presque à la fin de leur vie arrivent à pardonner et retrouvent enfin la paix et la joie. N’attendons pas la fin de notre vie.
« Mais Père, moi je n’ai pas d’ennemis ! » Ah, non ? Tu as donc d’excellentes relations avec tes voisins, tes collègues au travail, ton patron ou directrice, ta belle famille ? Aime ceux que tu ne supportes pas. Aime celles qui t’énervent. Priez pour eux.
L’appel à être parfait, le commandement d’aimer nos ennemis et de prier pour eux n’est pas une performance extrême Red Bull mais une grâce qui suppose beaucoup d’humilité.
Avec les mots de sainte Thérèse de Lisieux : « Aimer c’est tout donner et se donner soi-même. »
Amen.